Le monologue de mon choix
- Christelle Hodencq
- 27 mars 2020
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 mai 2020
lire, choisir et étudier un monologue
1. Pourquoi le monologue ?
Même si je laisse la possibilité à chacun.e de faire des allers et retours dans ce parcours d'apprentissage, je considère que certaines étapes sont incontournables. Ces étapes permettent de déconstruire certains automatismes qui ne sont pas constructifs (freins ou bocages) et elles facilitent la mise en place et l'intégration de "systèmes d'alarme" qui indiquent à la personne si elle est juste ou non.
La notion de justesse est précieuse pour le jeu et elle ne doit pas dépendre _ seulement _ du regard extérieur. Il est judicieux d'apprendre à mettre en place son propre système d'alarme afin de déceler, de l'intérieur, ce qui empêche le déploiement et la justesse de son jeu. Pour ce faire, la première partie du cours est toujours consacrée à une mise en disposition au jeu qui prend, soit la forme d'un training invitant à assouplir, renforcer et dynamiser, soit la forme d'un enchaînement d'exercices de relaxation et de dynamisation du corps-esprit de la personne.
Le plus souvent, je propose un training lorsque les participants sont des actrices/ acteurs professionnel.le.s (ou en voie de l'être) car la dépense énergétique est plus forte et les exercices requièrent un entraînement régulier ou la pratique active d'un sport.
Avec les personnes amateurs, je privilégie les techniques de prise de conscience du corps et de relaxation plus facilement abordables par tou.te.s.
L'objectif reste le même : faire en sorte que le corps-esprit soit suffisamment détendu et souple pour que les images intérieures et les émotions surviennent.
Une autre étape indispensable réside dans l'approche de l'improvisation.
Aborder l'improvisation est toujours un moment délicieusement risqué... chacun.e est face à elle/lui même en improvisation et c'est la raison pour laquelle cette technique me semble indispensable. Elle a de multiples fonctions :
- l"improvisation met en exergue les points forts et d'efforts
- l'improvisation invite à l'écoute, à la spontanéité, à l'imaginaire, à l'immédiateté, etc.
- l'improvisation révèle la justesse ... ou son contraire
- ...
Parce que l'apprentissage par l'improvisation favorise la connaissance (et/ou la conscience) de soi, il est intéressant de commencer par improviser seul.e.
Lorsque la personne a intégré les fondamentaux du jeu improvisé_ sur lesquels je reviendrai plus en détails dans un autre article _ c'est alors le moment de se projeter dans les mots d'un.e autre. Et, encore une fois, il est plus intéressant, de commencer par un monologue ou soliloque !
En effet, être seul.e en scène, avec les mots d'un autre, requiert déjà beaucoup d'habilités : être détendu.e, se faire entendre, se mouvoir en cohérence avec l'action en cours dans la scène, laisser libre cours à son imaginaire, à ses émotions etc.
Alors, pourquoi s'imposer d'être en plus à l'écoute d'un partenaire en scène alors que l'on débute? Car il existe déjà un partenaire pour l'actrice/acteur en jeu dans un monologue : le public _ public avec lequel jouer directement ou indirectement.
2. Quel monologue choisir ?
Je conseille toujours aux amateurs de choisir un monologue extrait d'une oeuvre contemporaine afin qu'ils puissent rapidement s'approprier les mots et se projeter dans le rôle.
Certains classiques peuvent aussi avoir une écriture simple à aborder. Cela demande donc de lire quelques pièces avant de faire son choix. Plus on lit de pièces et plus on a le choix de l'écriture et du rôle.
Je vous propose une petite sélection pour vous aider (je complèterai au fur et à mesure)
Pour femme
Penthélisée d'Heinrich von Kleist
Les Caprices de Marianne d'Alfred de Musset
La Mouette de Tchekhov
Fanny de Marcel Pagnol
C'était hier d'Harold Pinter
Quai Ouest de Bernard-Marie Koltès
La Chance de sa vie d'Alan Bennet
La Femme rompue de Simone de Beauvoir
Scène de la vie conjugale d'Ingmar Bergman
La Fille sur le pont : tirade de Vanessa Paradis
Hilda de Marie Ndiaye
La Maman Bohème de Dario Fo et Franca Rame dans Récits de femmes et autres histoires
4.48 Psychose de Sarah Kane
etc.
Pour tout le monde :
Pour homme
Art de Yasmina Reza
Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce
Roberto Zucco de Koltès
Rhinocéros d’Eugène Ionesco
HUBERT. — Je sais pas ce qui s’est passé. Quand j’étais petit, on s’aimait. Alors, je l’aime. Je peux la regarder, lui dire hello, être à côté d’elle. Je peux pas être son fils. Je pourrais être le fils à n’importe qui. Mais pas d’elle. […] (Il écrit à son bureau.) « Ô femme sinistre, fracassante et cruelle / Les sistres lugubres dans ta voix de crécelle / Ils entonnent un chant triste et affreux qui me hante / Et je fuis dans un pré verdoyant d’épouvante! » […] On devrait pouvoir se tuer idéalement. Dans nos têtes. Puis renaître après. Pouvoir parler, se regarder, être ensemble, comme si on s’était jamais rencontrés dans le fond. Ma mère puis moi, si on était des inconnus, je suis sûr qu’on s’aimerait bien. […] Quand j’étais petit, on était comme des amis. Ses collègues de travail n’arrêtaient pas de lui dire à quel point j’étais un enfant-roi, puis que ça ferait longtemps qu’ils m’aurait botté le cul. Voilà ces genres de petites madames qui disent tout le temps : « C’est spécial… » Roh, c’est fatiguant ça… Quand on dit « C’est spécial », c’est qu’on n’a pas l’intelligence de comprendre la différence, ou de l’apprécier, ou d’avoir le courage de dire qu’on haït ça. Ma mère me dit souvent que je suis « spécial ». […] J’imagine que, aux yeux des gens, haïr sa mère, c’est un péché. C’est hypocrite quand même… Eux aussi, ils ont noyé leur mère, c’est sûr. Ça a peut-être duré une seconde, ça a peut-être duré un an, peut-être que ça dure plus, peut-être que ça a été oublié, je sais pas… Mais je m’en fous, ils l’ont quand même fait. […] Quand je le dis, je le pense. Au fond, je l’aime. Mais pas d’un amour de fils. C’est bizarre parce que, si quelqu’un lui faisait du mal, je voudrais tuer cette personne. Oui. Et en même temps, je peux penser à une centaine de personnes que j’aime plus que ma mère. C’est quand même assez paradoxal d’avoir une mère qu’on est incapable d’aimer. Et qu’on est incapable de ne pas aimer, en même temps. Extrait de J’ai tué ma mère de Xavier Dolan
Voici aussi le lien du site de la librairie théâtrale : https://www.librairie-theatrale.com
Sachez qu'une fois votre choix fait, il est primordial d'étudier la pièce dans son ensemble avant de porter votre attention sur le monologue. En effet, Il est nécessaire de bien comprendre les circonstances de la pièce et de souligner toutes les informations concernant votre "personnage". Si vous souhaitez aller un peu plus loin dans ce "travail à la table" , je vous invite à réfléchir aux objectifs du personnage ( ce qu'il veut ) et aux actions qu'il met en place pour les atteindre.
Pour les textes très actuels ou pour certaines écritures dramatiques, il est possible que l'étude ne puisse pas se réaliser de cette manière car la notion de "personnage" ne fait plus sens ( j'y reviendrai aussi). Dans ce cas, l'étude est directement réalisée par des expérimentations en scène.
Petit jeu
Voici une photo tirée d'une célèbre mise en scène de la Cerisaie en 1974, Laquelle ?

En attendant de vous voir et de vous entendre, je vous souhaite de belles lectures !
Prenez soin de vous et de vos proches.
A bientôt !
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